
La femme chat, le dernier roman de Fabrice Glockner, plongée dans une relation amoureuse sulfureuse.
Une histoire d’amour entre deux êtres si différents que l’hyper sensibilité rapproche pourtant.
Il écrit, c’est son métier, sa vie, son exutoire, elle est antiquaire et peu intéressée par les mots. Elle a une intelligence pratique, nette et claire, elle ne s’embarrasse de rien et sait faire face à toutes les situations avec habileté. Elle est belle et infiniment sensuelle. Ils vivent une relation amoureuse ardente et passionnée mais qui un jour va bien sur évoluer.
Elle, c’est cette femme chat car si semblable à cette espèce dans son comportement qu’on la sent féline jusqu’au bout des ongles.
Il va la sublimer, l’exalter la déifier presque.
Mais c’est aussi les vacillations de ce héros qui cherche à renouer les fils de cette relation altérée par ses demandes et ses excès, par son inconstance et ses peurs, par ses manques et ses troubles.
Lente mais inexorable déclin d’un héros olympien qui avait placé sa muse au frontispice de sa vie.
Il fera appel à Hermès le dieu messager pour surement l’aider à faire passer ses messages qui parfois n’atteignent pas leur but. Mais Hermès fils de Dieu, fut il leur messager, y arrivera t’-il ?
« Loin des absurdes barreaux de mon cachot de mots, j’écris pour tenter d’approcher ta lumière» Il s’est enfermé tout seul dans son propre univers et cherche la voie pour en sortir. Les mots sont sa raison d’être mais aussi la prison où il s’est interné.
« Ton regard libéré, hostile aux conventions, capte l’instant fécond, animé par la force d’une voyante omnisciente aux élans surréels »
Il va trouver celle qui pourrait être sa muse, celle qui a une acceptation qu’il ne connait pas, une aisance, une force et une grande liberté, c’est celle qui le subjugue. Elle est belle et sans entraves. Elle est sa reine de cœur.
« Puisses-tu devenir ma seule inspiratrice ! Puisse l’audace parfumée de ton corps me galvaniser ; l’éclat de tes yeux noirs être mon nouveau port ! »
Il veut alors qu’elle soit son inspiratrice, son égérie, celle qui est à l’origine de ses mots et sera l’origine de ses maux aussi, vœux pieux face à cette femme chat qui est d’une indépendance folle et d’une désinvolture absolue.
« Je vais m’en retourner à mes vers capricieux, mes vins dépités et à ma vie d’errance »
Là c’est le début du déclin. Une séparation qui s’annonce , le déchirement. Il aura beau chercher à rattraper ce qui a été détruit, rien n’y fera, la marche inexorable de l’évolution des sentiments va faire son œuvre, son destin est scellé.
« Il était une femme rencontrée sur le tard, dans la clarté mourante de ma soif de gloire, quand se dérobaient mes mots, nécessaires hasards à l’instant fatidique d’un rêve incantatoire.»
Nul besoin de chercher à revenir en arrière le mal est fait, elle sera intraitable il devra chercher à l’oublier et devra se reconstruire.
« Toi seule emplis de ton silence les mots de ma vie.
Fais-moi croire une fois encore, rien qu’une fois, Au miracle amoureux sur les plages de l’enfance, Et les immensités de neige, sable, mer, Lune, Où nous n’irons jamais. »
C’est la destruction, les regrets….les illusions ratées…une autre vie mise en place par seulement son imaginaire, elle n’est plus à ses côtés, il ne lui reste que ses rêves…
« Ne m’en veux pas, Mon Amour, d’avoir un caractère faible, d’être saturnien, excitable, maladif, incapable de rompre mes propres chaînes, en quête d’impossibles satisfactions, jouet d’une imagination insensée. » …« Seul au fond de mon royaume de mots, délabré, je suis décomposé derrière ma frêle armure dans la haine de moi, des autres, comme mort au- dedans. Quel Calvaire ! »
Et c’est son calvaire que l’on suit sa lente décomposition intérieure, sa dégradation..
Mais derrière l’évolution des sentiments des personnages, la description de leur amour hors norme et la chute vertigineuse de l’auteur, Fabrice Glockner peint avec précision et habileté cet amour impossible dans une alternance de poèmes et de textes. Il nous mène dans les filets de son âme dans une atmosphère érotique qui fuse à chaque page et ne nous lâche pas jusqu’à la fin.
Belle transcription de cet amour intense et violent, de cet amour total. Fusion de deux êtres dans le corset de la passion. On est pris du début à la fin.
Un vrai délice qui coule en nous comme un vin blanc de Hongrie bien frais.
Jean Michel Gautier