Puisque je vous ai tout écrit, tout dédié,
Tout et son contraire et le contraire de tout
-Adorations, suppliques, insultes, ignominies,
Cris de douleur, appels de détresse,
Le meilleur et le pire, le pire et le meilleur,
De peur d’en oublier, quand rien ne vous touchait,
Refusant d’entrer dans ce jeu inepte ;
Comment déplorer le pouvoir futile des mots,
Ma vanité sans bornes ?
.
Puisque j’ai cru envahir votre ombre,
Epouser votre silence, embrasser vos paroles,
Devenir vos caresses, incessantes, somptueuses,
Au royaume des heures tremblantes de tendresse
Qui emplissaient le désert de mon cœur
Très au-delà du Verbe, très au-delà de tout,
Quand vous m’observiez, guettiez mes erreurs ;
Faut-il regretter, me lamenter d’avoir été le jouet,
La proie de votre vive intelligence ?
.
Puisque les filles qui passent, au zénith de leur gloire,
Leurs petits culs alléchants et leurs seins fastueux,
Dans la gloire éternelle d’un instant captieux,
Connaissent comme vous, jadis, aujourd’hui ou demain,
Le pouvoir de la chair sur nos cerveaux d’hommes creux
Feignant d’ignorer qu’Herpès rattrape Hermès ;
A quoi bon le nier, l’amour est un fruit amer,
La ronde s’essouffle, la parole est perdue ?
.
Puisque cette vie insane
Au milieu des jardins ou autour des piscines,
Dans les rires des enfants, leurs éclats tapageurs,
Les muscles des jeunes qui se croient immortels,
Quand tellement d’appétits de vivre,
D’avaler l’univers par des coïts sans fin
Déchirent mes yeux impurs
Et brisent ma mâchoire de nos espoirs perdus ;
Comment ne pas dire adieu à la splendeur débile
De l’heure folle amoureuse ?
.
Puisque j’ai refusé cet amour détaché,
Cet amour partagé, cet amour enchanté,
Auquel vous m’invitiez sans bruit, généreuse,
Au cœur de votre jardin secret
Où coulent de claires fontaines qui tarissent l’ennui,
Où le noir s’illumine, où les mots sont vivants,
Où les silences sont pleins ;
A quoi bon mon obsession d’un monde toujours neuf,
Ce désir d’écraser votre passé, devenir l’avenir ?
.
Puisque je n’espère plus me retourner vers vous,
Rien ne revenant à l’identique,
Hormis les noirs tourments d’un maudit de l’amour,
Ses insatisfactions, ses humeurs fracassantes,
Quand la Femme Chats’enfuit furtivement dans la nuit,
Pourquoi continuer d’écrire, vous ne m’avez guère lu ;
Et si mon vœu secret était de garder ouvert
Le Livre de votre Mystère
Quand il faudrait le fermer pour trouver le repos ?