Mots de sang

L’Amour casse. Il passe. Dans la lumière danse un éblouissement de sang. Dans l’absence, l’horizon se dérobe, Ce qui advient est invisible. Je tends les mains. Je n’y vois plus. Le mors est là. Je suis l’aveugle de mes mots. Mes pauvres mots. Moi qui croyais être leur avenir. Moi qui croyais qu’ils te devançaient, qu’ils te touchaient, qu’ils te tendaient les bras, qu’ils te voyaient venir. Ma Femme Chat ! Je deviens leur esclave, moi qui pensais être leur initiateur. Et tu les méprises, tu les vois venir, ils sont sans surprise, à mon image, hélas!

Aujourd’hui, la lumière tremble, ou bien ce sont mes yeux qui ne la distinguent plus. L’amour et le jour ne sont plus qu’une image lointaine. Crépusculaire. La lumière est déserte. Son mensonge pleut. Il pleure des larmes muettes. Mes mots débandent. Atrocement. Seul un vent invisible et des cris que je suis incapable d’entendre. Je tente d’écouter. D’écrire. Où sont mes mots? Ailleurs. Ils me cherchent mais ne me trouvent pas. Le couperet tombe. Le ciel est noir, le ciel est rouge : noir de sang ! La lâcheté me regarde de ses yeux vides. Vides de sens, vides d’espoir. Elle m’appelle, elle me fait signe et je la suis sur la pente descendante. Je glisse vers ce qui m’appelle et que je ne reconnais pas. 

Retiens-moi, Mon Amour, entends mon appel au secours !  Non, tu me laisses seul, tu m’abandonnes, comme toujours. Jusqu’où me laisseras-tu m’enfoncer? Je l’ignore. Mes mots se perdent. Les mots me cherchent mais ne me trouvent pas. Ils ne te trouvent pas a fortiori ! Ils ne t’ont jamais trouvés, jamais touchée. La Femme Chat s’est toujours faufilée entre eux et moi. Ils sont perdus. Je dois me taire.

Laisser faire. Laisser le murmure et la musique de la vie déserter. Tout me regarde, tout m’ignore. L’immensité vacille. Je piétine sur un sol de poussière. Un sol de douleur. Les yeux traversés de vide. Le vide de l’amour. Le vide de l’espérance. Le vide des mots. Le vide de toi. Les paupières closes de nuit, les yeux fermés sourds à toute vie. 

Il est trop tard. Toujours trop tard. La vie n’est qu’une occasion perdue. L’amour, un trophée dévoré. J’aimerais toucher la lumière des mots, pour y voir clair. Pour y voir enfin. Tout se dérobe.

J’écris pour être mieux, mais cela me fait encore plus mal, cela me tire vers le bas. Chaque mot m’emporte et je ne suis plus Rien. Chacune de mes phases est une planche posée sur l’abîme de mon vide intérieur. Mais les autres s’en moquent, et jusqu’à celle que je croyais être ma bien-aimée ne fait rien pour moi et se contente de  constater ma douleur avec son habituelle distance. 

Je regarde la solitude. La solitude me regarde. Elle est là, proche mais invisible, proche mais secrète. Et chaque mot, que j’aurais cru salvateur ou faussement calmant, à l’instar d’un alcool ou d’un anxiolytique, oui chaque mot me tue à petit feu. Les mots me recouvrent l’esprit et les yeux. Mais que faire d’autre qu’écrire? Aimer? Aimer oui, mais l’amour de mon Amour me tue à l’instar d’un long périple dont je ne reviendrai pas. À l’instar d’un instant figé dans la douleur. 

Oui, tout cela je le sais, je le sais depuis toujours mais me refuse à le regarder en face, je me refuse à le savoir. Et tout cela me sait! Lumineux, le désespoir se tient sur le seuil de mon être et me regarde. Je ferme les yeux. Il ne disparaît pourtant pas. Il reste en moi. La douleur me fait signe. J’écoute: avec le vent, quel bruit de sang ! Les voix, les cris et l’énorme silence!

Il est des jours, il est des nuits ainsi. Une punition pour être monté trop haut, dans la vie, dans l’amour, dans l’esprit, dans l’espoir. Avoir cru à une forme d’invincibilité, à un souffle éternel. On se demande pourquoi continuer ainsi. Le cri vibre. Le visage sombre dans le jour. Les pleurs montent. La punition est là latente. Là, toujours là dans sa malice sournoise. L’instant me tue L’amour me tue. Il ressemble à certains de mes livres entassés sur les rayonnages de mes bibliothèques ou au pied de mon canapé. Des livres que mes mains n’ont plus l’énergie ni le désir de redresser.

L’amour m’illumine et me tue à nouveau. Rien ne commence, rien ne finit. Tout continue. Dans le chaos. La vie reste ce miroir brisé et sans tain. Il ne me renvoie rien d’autre que l’image d’un bonheur en pièces que je suis le seul à voir. À ressentir dans sa plénitude obscure. Ces larmes de sang. Le printemps frappe à la porte. L’hiver s’enfuit. Mais mon angoisse entre pourtant dans ce qui s’éloigne. Le noir de la douleur dans l’éblouissement du regard et du ciel. Dans cette noirceur, le scintillement du monde. Comme une ombre passante, qui reste dans la nuit entêtée, entêtante. 

J’entre dans l’oubli et la confusion. La défiance et la tristesse. Je suis le seul à pouvoir quelque chose pour moi. L’espoir renaîtra, comme souvent, comme toujours en réalité. Comme dans les chants désespérés de Léonard Cohen dont la mort semble la seule issue. Mais il en revient toujours, grâce à un coup de théâtre final et un coup de pied d’une folle intensité pour remonter des tréfonds et vaincre le destin qui toujours menace.

Mais chaque jour écorne cet espoir un peu plus. Comme l’amour dont il s’inspire. Léonard l’Immortel a sombré. Au moins en reste-t-il des chants désespérés ou parfois lumineux. Totalement immortels, immensément immortels, eux!

L’espoir renaîtra, l’amour triomphera un jour. Mais je suis venu te dire que tu t’en vas…tu t’es déjà enfuie, Femme Chat !

Que restera-t-il de notre Amour outrageusement chaotique, génialement vivant, lumineux, absolue, mais effroyablement impossible, sinon cette poudre de mots, sans fin, sans objet, sans fond….ces centaines et centaines de poèmes…Ma coke à moi, jusqu’à l’overdose qui me tend les bras, et me brise encore chaque jour davantage 

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