
Toujours des murs, toujours des couloirs, de longs couloirs faiblement éclairés par des candélabres baroques ; des vestibules donnant sur d’autres couloirs interminables, débouchant dans d’autres vestibules vastes comme des nefs.
Dans un lieu somptueux, dont les fenêtres, obstinément fermées au soleil de minuit, sont autant de portes de caves.
Des chambres maintenant, des suites à traverser, dans une fuite éperdue qui refuse d’en finir. Un interminable dédale, et je marche, et je cours à la fois ; saisi par l’impossibilité de rejoindre quelqu’un, une femme tellement proche, qu’elle est, je la crois être, une partie de moi-même, qui m’échappe, s’échappe encore. Je la sens, je vous sens si près de moi, tellement inaccessible pourtant, vous dérobant, vous esquivant toujours. La Femme Mystère !
Cet amour tout amour véritable est un labyrinthe ; une forme d’itinéraire intérieur et une forme d’écriture secrète ; une quête ardue le long d’un chemin guidé par des parois strictes qui, à chaque instant, conduit à une impasse, oblige à revenir en arrière, à repasser plusieurs fois au même endroit, à explorer de nouvelles directions de nouvelles pistes, à retomber sur de nouvelles impossibilités, de nouvelles apories; et un jour enfin, peut-être, trouver l’issue ou sortir par le haut -une échappatoire, peut-être mieux, une élévation!
Je marche, je cours, je n’en finis pas de marcher, de courir ; et marchant, courant, de chercher, vous chercher, me chercher !
Ca y est enfin ! La sortie par ici ; un appel, une aspiration. Je devine votre silhouette à l’autre bout de la terrasse. Vous êtes là, oui vous êtes là ; ce ne peut être que vous à portée de main, à portée de voix, à portée de regard, à portée de désir. Accoudée à la balustrade, votre regard se perd dans l’immensité vague de la nuit d’octobre. Vous vous retournez. Sans surprise. M’ouvrez les bras en arborant un sourire somptueux : je vous attendais, me dîtes-vous d’une voix douce.
Et nous sommes aussitôt à nous, à nous deux, enfin ; à l’ivresse partagée d’un amour total qui exalte, embrase et les sens et l’esprit et le cœur et l’être entier ! Une fête donnée pour nous seuls, à nous seuls, dans ce Lieu Mystère, désormais lumineux, perché, déposé, quelque part, sur les hauteurs d’Avignon ou d’ailleurs -un lieu mystérieux, un lieu intemporel, un lieu secret, un lieu caché. Un lieu où souffle l’Esprit ! Existe-t-il seulement d’ailleurs ? Ou n’est-il pas le fruit d’une imagination fantasque ?
Peu importe ! Nous sommes l’un à l’autre, l’un pour l’autre, et présent et passé et avenir réunis entrelacés, unifiés ; et le temps s’abolit et l’espace alentour est à nous, est en nous.
Je vous prends par la main, Femme Mystère, et nous voilà entrainés dans les jardins suspendus de ce Lieu Mystèrepour une nuit ensoleillée de désirs et de mots assouvis, confondus, dans l’amour de l’amour, fastueuse alchimie !